un Mahé 36 en vadrouille

  • [blog] É va la nave

    mardi 15 octobre 2019

    Jeudi, 11h. Le ciel est encore voilé aujourd’hui. Je recharge à peine à 5A, la batterie est à la limite, 12.06v.

    13h. Un petit tour dehors pour regarder le réglage des voiles. Tiens, la latte de ma GV est à moitié sortie ?!?!?
    Je fonce (façon de parler, à 4 pattes on ne va pas très vite) en pied de mât, grimpe sur le roof et toujours à 4 pattes m’accroche à la baume jusqu’à la bordure.
    Evidemment avec le vent, impossible de remettre la latte en place. J’en profite pour regarder les autres, cela dit : tous les bouchons sont dévissés, autant pour Delta Voiles Marseille qui refusait de mettre du Loctite parce que “oh, ceux là, avant qu’ils se dévissent …”. Jusqu’au bout ils auront été mauvais.

    Retour au poste de barre, j’affale la voile.
    Retour sur le roof, je bataille pendant 15min avec la voile, toujours rien.

    C’est la goutte d’eau (salée) qui fait déborder l’océan.
    Sans doute qu’en faisant les choses bien, en positionnant le bateau face au vent, grand-voile hissée juste ce qu’il faut, et faseyante, j’y arriverais. Peut être. Sûrement même, si j’avais mes deux jambes.

    Mais la mer est encore trop forte pour que j’imagine seulement essayer de me tenir debout. J’ai mal comme un chien à ma cheville, et surtout, j’en ai marre, vraiment.
    Alors je reste avec la voile affalée, et je redescends au poste de barre. Je mets le moteur (celui qui est valide), et je vais m’affaler sur ma couchette.

    Il me reste trois jours de navigation jusqu’aux Canaries. C’est largement faisable.

    16h. Le coupleur de batterie n’est toujours pas en marche. Je prends le risque de mettre le moteur babord en marche pendant 1h pour récupérer un peu de jus.
    Miracle, après ça, le coupleur fonctionne et les batteries chargent à fond … va comprendre ?
    Je peux tout rebrancher, musique, frigo & co. Au moins une bonne nouvelle !

    23h. J’ai toujours mon réveil sur 20min, mais je n’ai plus les alertes permanentes de la station de Tarifa, je suis - enfin - trop loin pour les capter. Peu de navigation également, ce qui veut dire que les alarmes de proximité sont quasi inexistantes. Bref, je peux enfin dormir.

    Vendredi 12h. La mer est enfin calme, il n’y a plus que la longue houle de l’Atlantique, ce paysage de collines linéaires bleutées qui soulèvent doucement le bateau par l’arrière, passent dessous, et le redéposent doucement deux mètres plus bas. C’est régulier et berçant. Ca repose.

    14h. Un petit tour du bateau, pour faire un petit check up. Un calamar s’est échoué sur une des coques, près du trampoline. Il est visiblement mort depuis longtemps, il commence à sentir. Il a lâché de l’encre partout, se défendait-il de ce monstre blanc qui le retenait prisonnier hors de l’eau, ou bien relâche post-mortem ?

    Je vois passer pas très loin, peut être 100m, un banc d’une dizaine de dauphins. Ils sont visiblement joueurs, ils sautent les vaguent, des bonds graciles à près d’un mètre de haut.

    Plus tard, c’est un autre groupe, ceux là, on les distingue à peine. On les sent pressés, ils affleurent la surface de l’eau juste pour respirer. Où vont-ils ainsi, sont-ils en chasse ?

    Les batteries sont chargées, à fond. Le radar tourne maintenant en permanence, jour et nuit, je n’ai plus à me soucier de sa consommation électrique. Son mode sentinelle m’autorise de prendre un peu plus de repos, il y a de toute façon très peu de trafic, je peux enfin dormir par période d’une heure.

    Samedi.
    J’ai depuis hier soir, venus d’on ne sait où, un couple de libellules. Elles sont sur les filières du bastingage, changeant de position dans la journée, selon le soleil et le vent j’imagine.

    J’avais eu aussi, mercredi soir, je crois, un papillon qui avait atterrit sur le bateau. Je lui avais mis un peu de sucre à côté de lui, le matin il n’était plus là, avait-il retrouvé des forces ou s’était-il fait emporté par une rafale ?

    Ma seule activité consiste, outre la surveillance des bateaux, à regarder l’évolution des courants qui me poussent tantôt vers l’Est, tantôt vers l’Ouest. Le vent n’est plus un problème, de facto, et la mer s’est calmée.

    Je dors par tranche de 30min, je mets de la glace sur ma cheville, je lis. La journée passe tranquillement, et la nuit.

    Dimanche, 5h30.
    Pas assez dormi, mais je suis à moins de deux heures des côtes, un bout de caillou à quelques milles au nord de Lanzarote. Pas question de prendre le risque de ne pas entendre mon réveil, comme ça m’est arrivé une ou deux fois. Je peux être fatigué, j’arrive.

    8h. J’aperçois la terre, ca va faire du bien d’arriver.

    14h. A la marina, amarré. Je m’écroule sur ma banquette, dors 4h d’affilée. Et la nuit sera encore bonne.

    Tout cela n’était, au final, pas très glorieux.